Guillaume Darrousez, CEO Petit Bateau : “Dans les 6 mois qui suivent, le client de seconde main se met à acheter aussi du neuf”

Quel est le bilan de la seconde main chez Petit Bateau ?
GD : Chez Petit Bateau, nous faisons de la seconde main depuis 130 ans car nos produits sont de grande qualité. Si autrefois, la transmission se faisait en famille, aujourd’hui, elle se passe sur une plateforme comme Vinted qui a 4 millions de références Petit Bateau à vendre. En tant que marque, nous nous devons d’être présents sur ce segment, qui va passer de 5 % à 10 % du marché de la mode aujourd’hui à 25 % en 2030. En 2017, Petit Bateau avait lancé la seconde main en C2C, mais le test a peu décollé. Depuis 2021, la collecte de vêtements de seconde main se fait à 100 % en boutique, par nos vendeurs. En 2022, nous avons lancé la revente dans le réseau physique : il y a actuellement 22 corners seconde main en boutiques, et de nouveaux corners seront ouverts d’ici la fin de l’année. Les directeurs de magasins veulent cette offre, qui crée du trafic. Il y a cinq semaines, nous avons aussi lancé la revente sur notre site Web. Cela marche très fort, nous manquons de produits. La prochaine étape pour nous est de lancer la collecte sur le Web d’ici la fin de l’année 2023. Pour Petit Bateau, cette activité a pesé moins de 1 % du CA l’an dernier, mais la trajectoire est d’atteindre un ratio de 10 % en 2030. Nous voulons qu’un produit sur 3 soit vendu en seconde main en 2030.
Pour les vendeuses, le processus actuel de revente est assez contraignant en temps (repassage, passage en boutique). Comment allez-vous les convaincre de vendre leurs produits chez vous plutôt que sur Vinted ?
GD: Sur les 12 premiers mois du lancement du service (en 2021), plus de 160 000 pièces ont été collectées avec des semaines à plus de 8000 pièces. Le marché de la seconde main va sans doute devenir plus concurrentiel, à la fois en termes de reprise et de le prix de revente… Il va y avoir une guerre des prix entre les acteurs pour récupérer des produits de seconde main auprès des vendeurs… Du côté des acheteuses, Petit Bateau propose déjà les mêmes services qu’en neuf (reprise, échange, remboursement des produits d’occasion). Il faut absolument que nous parvenions à en récupérer davantage chez Vinted. Nous devons être puissants sur ce marché !
Quelles sont vos initiatives pour rendre la seconde main rentable ?
GD : En « mass market », les marques qui travaillent avec un prestataire de seconde main (qui gère la collecte, le nettoyage, la remise en état…) ne gagnent pas d’argent. Chez Petit Bateau, nous avons donc internalisé ce sujet. On peut s’appuyer sur nos équipes magasins pour gérer la collecte (sélection de l’état du produit, emballage puis expédition vers un magasin revendeur ou un entrepôt). Globalement, nous sommes à l’équilibre entre la reprise et la revente de produits d’occasion. Mais il y a beaucoup d’externalités positives : la seconde main apporte beaucoup de trafic sur le site e-commerce. Cela permet d’avoir du trafic naturellement, qui n’a pas nécessité d’investissements via Google. C’est aussi positif en termes de recrutement et de rajeunissement de notre cible : un client de 2nde main est plus jeune, de 4 ou 5 ans en moyenne, qu’un client achetant du neuf. Et dans les 6 mois qui suivent, il se met à acheter aussi du neuf. C’est très vertueux. Quand on intègre le recrutement dans le modèle économique, la seconde main est une activité rentable.
L’offre de seconde main est présente en France et au Japon. Dans quels autres marchés allez-vous la lancer, et comment ?
GD : Au Japon, nous avons lancé la seconde main il y a quelques semaines, dans un seul magasin, qui gère la collecte et la reprise. Nous sommes les premiers à l’avoir fait au Japon, et les ventes décollent. C’est une façon d’affirmer nos valeurs et notre engagement, dans notre 2e marché en termes de CA. Nous allons faire la même chose en Italie et en Allemagne dans les semaines qui viennent, avec un schéma d’abord offline (collecte et revente en magasin). La suite, en ligne, est programmée dans un 2e temps.
Petit Bateau a 2 usines, à Troyes et au Maroc. En termes de supply-chain, quelles ont été les grandes initiatives pour réduire les invendus en 2022 ?
GD : Auparavant, on produisait 100 % de nos collections en France et au Maroc avant de démarrer la saison. Or, nos usines nous permettent de faire du réassort plus rapidement : en 2 à 3 semaines pour Troyes, et 5 à 6 semaines pour le Maroc. En 2022, nous avons fabriqué en moyenne 60 % des collections au démarrage, tout en revoyant complètement notre processus de fabrication : nous avons décidé de tricoter les matières plus tôt dans la saison, mais sans la colorer, pour qu’elle puisse être ensuite colorée à la demande.
Résultat, 40 % des volumes vendus ont été fabriqués après le lancement de la collection. Ce chiffre va certainement augmenter. Cela nous permet de réalimenter le marché en mars ou en avril avec des produits qui se vendent. Nous avons fortement optimisé le niveau de stocks.
Quelles sont les prochaines étapes en termes de circularité ?
GD : Nous sommes engagés dans une démarche de progrès concernant le recyclage. Nous travaillons actuellement pour être capable de fabriquer des produits neufs à partir d’un fil recyclé, issu de nos produits de seconde main et aussi de nos déchets de coupe. Nous sommes actuellement en phase de R&D. Le challenge technique est d’obtenir des fils ayant la même finesse et la même qualité que le neuf, mais contenant à minima 50 % de fibres recyclées. A date, le recyclé ne répond pas encore aux standards de qualité promis par Petit Bateau. Mais nos équipes poursuivent les essais !
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