Le Corporate Transparency Act : mon entreprise aux États-Unis est-elle soumise à une obligation de transparence ?

Le 1er janvier 2024 a marqué l’entrée en vigueur aux États-Unis du Corporate Transparency Act, également connu sous le nom de CTA. Conçu pour lutter contre les activités illicites telles que le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et les fraudes fiscales, cette législation impose à des nombreuses entreprises l’obligation de partager certaines informations concernant tous les beneficial owners, c’est-à-dire les propriétaires bénéficiaires, de la société avec le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN).
Bien que, d’un point de vue pratique, il ne s’agisse que de remplir un formulaire en ligne sur le site de FinCEN, cet article a l’objectif d’éclaircir les enjeux significatifs qui existent quant à l’identification des entreprises soumises à ces obligations et des individus dont les informations doivent être recueillies et transmises.
Quelles entreprises sont assujetties au CTA ?
La loi impose à toute société créée aux États-Unis ou autorisée à faire des affaires aux États-Unis, et ne relevant d’aucune exception prévue par la loi, de se conformer à ses obligations. Se soustraire aux exigences du CTA peut être particulièrement complexe pour les petites et moyennes entreprises, la plupart d’entre elles étant considérées comme des entreprises assujetties aux déclarations, et donc comme des reporting companies soumises aux obligations de la loi.
Bien que vingt-trois exceptions existent, elles s’appliquent principalement aux entreprises fournissant des services financiers et d’investissement, à certaines entreprises exonérées d’impôts, ainsi qu’aux grandes entreprises employant vingt personnes ou plus à temps plein aux États-Unis, avec un chiffre d’affaires dépassant les 5 millions de dollars et un lieu physique aux États-Unis, distinct du lieu d’activité de toute autre entité non affiliée, et à partir duquel la société exerce ses activités. Il en découle que la grande majorité des petites et moyennes entreprises, à moins d’être une filiale d’une entreprise bénéficiant d’une exonération, devront se conformer aux nouvelles obligations de la loi, qui vise à cibler un grand nombre d’entreprises.
Il est à noter que le CTA est une loi fédérale qui s’applique indépendamment de l’État américain où une entreprise a été immatriculée ou où elle exerce ses activités. Cependant, le lieu d’enregistrement n’est pas à négliger, car certains États, tels que l’État de New York avec son New York LLC Transparency Act, sont en train de promulguer des lois liées à la transparence qui imposent parfois des obligations supplémentaires, obligeant ainsi les entreprises établies dans ces États à respecter à la fois le CTA et la loi locale.
Qui sont les beneficial owners au sein de mon entreprise ?
La loi prévoit deux définitions du beneficial owner, englobant diverses situations. Selon la loi, un individu peut être considéré comme beneficial owner s’il détient ou contrôle directement ou indirectement (par exemple, même à travers la société mère, ou une entité « holding ») au moins 25 % du capital social, ou s’il exerce un contrôle substantiel sur la société, défini de manière extensive par la loi. On considère que les dirigeants de la société, tels que le président, le CFO, le CEO, le COO, ou toute personne exerçant des fonctions similaires, ont un contrôle substantiel sur la société. De plus, un individu ayant le pouvoir de nommer ou révoquer certains dirigeants ou détenant la majorité du conseil d’administration est également inclus dans cette définition qui englobe chaque personne ayant un pouvoir décisionnel important au sein de l’entreprise.
La définition est donc large et peu précise, et il n’y a pas une limite fixe sur le nombre de beneficial owners devant être déclarés par chaque société : les informations de chaque personne répondant à cette définition doivent être déclarées. Cependant, certains individus, tels que ceux étant à la fois beneficial owners et employés de l’entreprise ou mineurs au moment de la déclaration, bénéficient d’une exemption.
Quelles déclarations mon entreprise doit-elle effectuer et quel est le processus à suivre ?
Pour chaque beneficial owner, l’entreprise doit déclarer certaines informations regroupées sous le nom de Beneficial Owner Information (BOI), comprenant le nom, la date de naissance, l’adresse, le numéro du document d’identité, et fournir une photo de ce document. De plus, l’entreprise doit transmettre à FinCEN son nom, ses noms commerciaux, l’adresse de l’établissement principal aux États-Unis (ou à l’étranger, dans certains cas), le nom de la juridiction de formation ou d’enregistrement, le numéro d’identification fiscale américain (ou étranger, dans certains cas). Il est important de noter que ces informations doivent être mises à jour en cas de changement, comme un changement d’adresse du beneficial owner ou un changement de document d’identification avec le numéro correspondant.
Sur le plan pratique, cela implique de remplir, gratuitement et en ligne sur le site de FinCEN, un formulaire avec les informations requises. Toute personne peut effectuer cette tâche pour l’entreprise et l’aide d’un avocat, un expert-comptable ou un fournisseur de services tiers, même si conseillé, n’est pas requis.
A remarquer que la personne communiquant les informations à FinCEN pour les entreprises créées ou enregistrées après le 1er janvier 2024, appelée company applicant, doit partager les mêmes données que les beneficial owners avec FinCEN. Ces informations, comme toutes les autres informations susmentionnées, seront conservées dans une base de données à accès fortement restreint et pas accessible au public.
Quelles échéances doit respecter mon entreprise ?
La date butoir pour communiquer ces informations à FinCEN dépend de la date de création ou d’enregistrement de l’entreprise. Les entreprises créées ou enregistrées aux États-Unis avant le 1er janvier 2024 doivent envoyer ces informations avant la fin de l’année 2024. En revanche, les sociétés créées ou enregistrées aux États-Unis après le 1er janvier 2024 ont 90 jours à compter de la date de leur création ou enregistrement pour transmettre ces informations à FinCEN. À partir de 2025, toutes les entreprises auront 30 jours à partir de la date de leur création ou enregistrement.
En cas de changements dans les informations transmises à FinCEN, le délai pour la mise à jour des informations est de 30 jours à compter du changement.
Quelles sont les répercussions en cas de non-conformité à ces normes ?
Quiconque ne respecte pas les obligations décrites dessus, ou dépose volontairement une déclaration fausse ou frauduleuse ou encore ne met pas à jour les informations déjà transmises, peut faire l’objet de sanctions. Ces sanctions comprennent des sanctions civiles pouvant atteindre 500 $ par jour de violation, ainsi que des sanctions pénales pouvant entraîner une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux ans et/ou une amende pouvant atteindre 10 000 $.
Il est, par conséquent, fortement recommandé de se conformer à ces obligations légales en utilisant les ressources mises à disposition par FinCEN (particulièrement, le Beneficial Ownership Information (“BOI”) Frequently Asked Questions et le BOI Small Entity Compliance Guide, et éventuellement en recourant à un cabinet d’avocats pour un conseil expert sur comment naviguer dans ces eaux si mouvementées surtout en considération du fait que le panorama jurisprudentiel est en constante évolution et la constitutionnalité du CTA a été contestée devant certaines courts fédérales.
Article rédigé par Emily Ayoob, Partner chez Tarter Krinsky & Drogin LLP et Caterina Cesario, International Law Clerk chez Tarter Krinsky & Drogin LLP.
Emily Ayoob est à la tête du département français et associée au sein du département international chez Tarter Krinsky & Drogin LLP, un cabinet d’avocats de taille moyenne opérant à la fois sur la côte ouest et est des États-Unis. Grâce à sa formation juridique biculturelle et son bilinguisme FR/EN, Emily guide les clients internationaux à travers les problématiques liées à l’acquisition, au démarrage et à la conduite d’activités aux États-Unis, y compris les subtilités des fusions et acquisitions, des coentreprises, de la rédaction et de la négociation de contrats, de la protection des marques, ainsi que de l’immobilier commercial. Avec plus de 13 ans d’expérience, Emily Ayoob représente des entités de toutes tailles et conseille des clients dans divers secteurs tels que ceux des dispositifs médicaux et des soins de santé, de la mode et des produits de luxe, de l’industrie agroalimentaire, des biens de consommation, de la technologie, des agences créatives, de l’immobilier et du design.
